Un texte, quelques lignes, et tout bascule : à partir du 1er janvier 2023, la réévaluation libre des actifs immobilisés s’est vue privée de son report illimité d’imposition sur les plus-values latentes. Jusqu’ici, le sursis d’imposition relevait presque du réflexe automatique. La révision de l’Article 57 de la loi de finances a fait tomber ce privilège comme un couperet.
À présent, les sociétés concernées n’échappent plus à l’intégration de ces plus-values dans leur résultat fiscal. Les règles se sont durcies, chaque opération de réévaluation entraîne des conséquences immédiates, et les équipes financières doivent désormais composer avec un terrain fiscal nettement plus exposé.
Article 57 : un cadre légal au cœur de la fiscalité des plus-values de réévaluation
L’article 57 du code général des impôts sert de colonne vertébrale à la lutte contre les transferts de bénéfices entre sociétés liées, en particulier lorsqu’une partie du groupe se trouve à l’étranger. Ce texte, incontournable lors des contrôles fiscaux, présume un transfert de bénéfices chaque fois qu’un avantage financier est accordé à une entité étrangère avec laquelle il existe une relation de dépendance. L’administration fiscale française s’y réfère pour réintégrer dans l’assiette imposable les profits qui auraient tenté de franchir les frontières de façon artificielle.
La jurisprudence, notamment via la CAA de Lyon et la CAA de Versailles, affine le maniement de cette règle. D’abord, l’administration doit prouver l’existence d’un avantage anormal. Ensuite, l’entreprise peut riposter en apportant la preuve contraire. Ce bras de fer s’inscrit dans l’esprit des principes OCDE sur les prix de transfert : l’objectif, c’est l’alignement sur les conditions du marché, la fameuse pleine concurrence.
Les enjeux sont loin d’être secondaires pour les groupes. Il ne s’agit pas seulement de remplir ses obligations fiscales : la conformité à l’article 57 devient une question de gouvernance. Pour les professionnels, cela implique de renforcer la traçabilité, de documenter chaque transaction entre sociétés du groupe, et de se tenir prêts à justifier chaque flux devant l’administration. Les litiges récents prouvent que la marge de manœuvre entre optimisation fiscale et abus s’est considérablement réduite. Les entreprises n’ont d’autre choix que de rester en alerte, alors que les attentes de l’administration fiscale évoluent rapidement.
Quelles évolutions récentes modifient l’imposition des plus-values de réévaluation ?
L’article 57 du PLF 2020 a marqué un tournant dans la stratégie de surveillance fiscale de l’État et, par ricochet, dans le traitement des plus-values de réévaluation. La nouveauté ? L’autorisation de la collecte automatisée de données publiques sur les réseaux sociaux et les plateformes en ligne. Le but affiché : détecter les fraudes et mieux suivre les flux financiers, surtout ceux impliquant des relations avec l’étranger.
Face à cette extension des outils de surveillance, la CNIL a rapidement exprimé ses inquiétudes concernant la vie privée. La commission des lois constitutionnelles de l’Assemblée nationale s’est aussi montrée prudente. Philippe Latombe, député, a défendu plusieurs amendements pour limiter la portée de la collecte et interdire sa sous-traitance à des prestataires externes. Finalement, le dispositif reste en place, mais avec un encadrement parlementaire renforcé et une application bien moins large que ce qui était initialement prévu.
Dans ce contexte, l’administration fiscale dispose désormais de moyens pour croiser les informations concernant la valorisation des actifs et la gestion des plus-values. Les plateformes en ligne deviennent un terrain de détection privilégié pour repérer les opérations à risque. Le cadre légal se met en place progressivement, mais la dynamique est enclenchée.
Voici les principaux changements que les entreprises doivent désormais intégrer à leur stratégie :
- Renforcement de la traçabilité des transactions intragroupe
- Limitation de la portée des collectes automatisées, sous contrôle parlementaire
- Dialogue constant entre Assemblée nationale, CNIL et praticiens du droit fiscal
L’équilibre entre l’efficacité de la lutte contre la fraude et la préservation des libertés individuelles se fait plus précaire. Les sociétés doivent adapter leur veille réglementaire et anticiper des contrôles plus incisifs sur la gestion de leurs plus-values de réévaluation.
Les conséquences concrètes pour les contribuables et les entreprises
L’application de l’article 57 du CGI va bien au-delà d’un simple ajustement technique : elle transforme en profondeur la relation entre l’administration fiscale et les groupes à dimension internationale. Pour toute entreprise française en lien de dépendance avec des entités étrangères, chaque flux financier, royalties, facturations internes, refacturations de services, devient un point de contrôle potentiel.
Un exemple parlant : imaginez une entreprise française spécialisée dans la distribution de médicaments génériques, qui verse des redevances à sa maison-mère danoise. Si cette dernière a acquis ses droits auprès d’une société basée à Malte, la DGFiP n’hésitera pas à examiner le montage. La présomption de transfert de bénéfices s’applique d’emblée, et il revient désormais à la société française de prouver que les avantages accordés ne sont pas disproportionnés par rapport à la valeur réelle des prestations fournies.
Désormais, la technologie s’invite dans l’équation. Le datamining et le textmining déployés par la DGFiP, grâce à la cellule CFVR, permettent de passer au crible des volumes massifs de données et de repérer plus vite les schémas atypiques. La DGDDI, elle, utilise la plateforme SARC pour surveiller les flux douaniers. L’ensemble, piloté par la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, renforce la capacité de l’État à débusquer les opérations d’évasion sophistiquées.
Ces évolutions imposent de nouvelles obligations :
- Documentation détaillée sur les prix de transfert et justification de chaque flux intra-groupe
- Réponses rapides et structurées lors des contrôles fiscaux
- Risques accrus de redressement et de pénalités si la valorisation des transactions est contestée
Pour les groupes, la frontière entre optimisation légale et transfert abusif de bénéfices se joue désormais sur la qualité de l’analyse documentaire et l’argumentaire économique.
Comprendre les points de vigilance et anticiper les impacts sur sa situation fiscale
Le texte de l’article 57 du code de procédure civile se situe à l’intersection de la sécurité juridique et de la protection des droits fondamentaux. Dès qu’une procédure vise des flux transfrontaliers ou des valorisations intra-groupe, la justification des décisions prend une dimension centrale. Le Conseil d’État, fidèle à sa jurisprudence, exige que la charge de la preuve soit traitée avec méthode. Magistrats et entreprises doivent démontrer, documenter, objectiver chaque avantage consenti ou transfert réalisé.
Un point de procédure à ne pas perdre de vue : la répartition de la charge de la preuve. Selon l’article 57, c’est à la partie mise en cause de prouver que l’avantage contesté se justifie et n’a rien d’excessif ou d’artificiel. Cette exigence irrigue toute la pratique contentieuse, tant au niveau national qu’européen. La Cour européenne des droits de l’homme veille à ce que le procès équitable et l’égalité des armes soient respectés, surtout lorsque l’administration dispose d’outils d’enquête étendus.
Le respect des droits passe aussi par la notification et l’accès à l’information. Chaque décision de rectification doit être motivée, notifiée dans les temps, et garantir un accès réel à la défense. Les dernières réformes insistent sur la formation des juges et avocats, l’adaptation du régime de la preuve, et le recours facilité à la médiation. Le système judiciaire français, sous la vigilance du Conseil d’État et en dialogue avec la Cour européenne, doit continuer d’assurer la justiciabilité et la protection des libertés individuelles, même face à la pression croissante de la lutte contre la fraude.
La réforme de l’Article 57 dessine un nouveau paysage : chaque décision, chaque flux, chaque argument doit pouvoir résister au double regard du fisc et du juge. Pour les entreprises, c’est un jeu d’équilibriste permanent, où la moindre faiblesse documentaire peut coûter cher. Reste à savoir qui, dans cette partie de contrôle permanent, saura conserver l’avantage.

